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#LanNGaSoloon ou comment détourner le débat

Akeelah 🧚🏽‍♀️

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(Repost — Texte initialement publié dans ma newsletter hebdomadaire. Clique ici pour souscrire et recevoir mes prochaines lettres ❤)

Lorsque je me suis demandée ce matin de quoi est ce que j’allais parler, ce brouillon m’a semblé être une évidence. Depuis le 18 octobre se tient l’exposition itinérante “T’étais habillée comment ?” au Musée de la femme Henriette Bathily à Dakar. Elle oppose le style vestimentaire féminin au viol et nait de la perpétuelle question pose aux victimes de viol « Tu étais habillée comment ? », comme si l’habillement justifiait un acte aussi grave et déshonorant. Un Open Mic a eu lieu le 9 novembre dernier et à un moment de la soirée, j’ai voulu lire un texte que j’ai écrit en écoutant les autres partager slams, extraits de roman, témoignages et autres. Malheureusement, je n’en ai pas eu l’occasion. J’aimerais donc partager mon texte avec vous ici.

Je n’avais pas prévu de parler mais d’un autre côté, je pense qu’il est important de ne pas se taire. Je suis contente de voir qu’il y a beaucoup d’hommes dans l’assistance. Et je suis encore plus contente de voir qu’ils ne parlent pas en notre nom mais se contentent de nous écouter et de donner leur ressenti. C’est certes important d’être en terrain safe. Et a cote de ces safe places, on oublie que ce n’est pas nous qui devons être éduquées sur la question mais bien les hommes, qui nous violent et nous volent ce qu’on a de plus précieux à savoir notre humanité.

Ça me choque toujours que les gens ne se sentent concernés que lorsqu’on dit « ça peut être ta mère, ta sœur, ta fille ». Les hommes qui violent sont nos pères, fils, frères, cousins, oncles. Juste parce que je suis une personne, un être humain, j’ai des droits et le droit de disposer de mon corps me revient.

Je vais vous partager quelques moments de vie d’une fille que je connais (avec son accord).

6 ans. C’est l’âge qu’elle avait lorsque pour la première fois un homme a décidé que son corps à elle lui appartenait à lui. Elle était sûrement trop petite pour comprendre. Il l’a menacée de dire dans quelles circonstances il l’avait menacée at first. Pour la petite histoire, il l’avait attrapée en train de jouer à papa et maman avec ses petits cousins. L’adulte en question c’était le gardien. Elle a eu peur et n’a rien dit. Elle a enfoui cela dans sa mémoire et le temps est passé.

11 ans. C’est l’âge qu’elle avait lorsqu’elle a compris ce qui lui était arrivé 5 ans auparavant. Sa mère lisait beaucoup les romans policiers. Il y avait toujours des histoires de meurtres, d’enlèvement, de viol. Mais c’est quoi ce mot ? Viol. Viol. Mais qu’est-ce que c’est ? Et elle fouille dans le dictionnaire. Viol. C’était ça. Un mot de 4 lettres qui résume l’acte qu’elle a subi.

11 ans. C’est aussi l’âge qu’elle avait lorsque les garçons de son quartier ont commencé à la siffler et lui faire des remarques sur son physique. 11 ans. Vous vous imaginez à quel point ça peut être traumatisant ?

11 ans. C’est aussi l’âge qu’elle avait lorsqu’elle a dit à sa mère ce qu’elle a vécu à 6 ans. Sa mère lui a posé une seule question « t a-t-il vraiment pénétrée ? » suivie d’une injonction : « n’en parle jamais sinon tu ne trouveras jamais de mari ».

Je passe les autres périodes de sa vie. Et j’arrive à ses 21 ans, âge auquel elle a eu sa première relation sexuelle. C’était douloureux et elle n’a rien ressenti de spécial les autres fois, à part cette douleur qui ne la quitterait jamais.

Je pense pouvoir dire sans me tromper qu’aujourd’hui à plus de 30 ans, elle vit une relation conflictuelle avec son corps de femme. Elle a peur d’en parler. Elle a peur de ce que les gens diraient, ce que ses parents diraient. Elle pense être perdue et a perdu par la même sa joie de vivre. Elle a même essayé de se suicider il y a quelques années.

23 ans. L’âge qu’elle avait lorsque ses médecins ont abusé d’elle. Des attouchements. Des baisers volés. Des brimades. Des pressions. 3 médecins différents. Elle ne pouvait rien dire, une fois de plus. Etait-ce de sa faute ? Comment on pourrait croire que 3 médecins sans aucun lien essayent d’abuser d’elle ? Personne ne la croirait innocente. Elle a dû les inciter c’est sur !

Aujourd’hui, elle a fini par supprimer ses comptes sur les réseaux sociaux. Pourquoi ? Parce qu’on parle d’elle, victime de viol, comme de la personne qui a provoqué ce qui lui est arrivé. On parle de choses juste parce qu’on se sent libre sur les réseaux sociaux. Mais on ignore ce que nos publications ont comme impact sur les gens.

Alors, je suis énervée. Je suis ce qu’ils appellent une Angry black woman. Et je vais utiliser cette rage que j’ai en moi pour créer, aider, agir. Sinon cette rage me tuera assurément à petit feu.

Il est temps que la peur change de camp.

A la maison. A l’école. Au boulot. Dans les transports, ils pensent tous que nos corps leur appartiennent. Je refuse de leur laisser ce privilège de décider ce qu’ils veulent et faire de moi ce qui leur chante.

Merci.

Merci à ceux qui écoutent et soutiennent.

Merci à ceux qui font le nécessaire pour que les sans voix puissent s’exprimer.

Merci de créer des cadres libérateurs, physiques ou virtuels, ils sont tous aussi importants les uns que les autres.

Merci.

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Akeelah 🧚🏽‍♀️
Akeelah 🧚🏽‍♀️

Written by Akeelah 🧚🏽‍♀️

Moi, mélange de folie discrète et de sérieux, celui d’une adulte pleine d’énergie et de culture.

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