31 et des poussières
Depuis quelques années, mon anniversaire me stresse. Ce n’est pas tant le fait de prendre l’âge, parce que j’aime cette vie, cet âge-là: je vis ma meilleure vie. Elle peut certes être encore meilleure, d’ailleurs le deal c’est « mieux qu’hier, moins bien que demain ». Mais quand je vois le chemin parcouru jusqu’ici, je rends grâce.
Non, ce qui m’a rendue anxieuse c’est surtout le souvenir dont est chargé ma date d’anniversaire et je reviendrai dessus un peu plus bas.
Donc, je me suis réveillée hier matin un peu stressée. J’ai regardé l’heure : 7h20. J’ai vu les notifications, c’est ce qui m’a d’ailleurs reveillée. En voyant le nombre de notifications, j’ai senti un nœud dans ma poitrine et mes migraines ont repris. J’ai mis mon téléphone en mode “ne pas deranger” et je me suis retournée pour dormir quelques heures de plus.
J’ai fini par me décider à me lever, à un moment donné. J’ai pris ma douche et je suis allée me faire un bon petit déjeuner. J ai commencé à répondre aux messages à ce moment là : mes parents, mes frères, mes amis. Plus on prend de l’age, moins on reçoit d’attention le jour de son anniversaire. Et les marques d’attention qu’on reçoit sont profondes et très touchantes (Désolée mais les HBD secs là ne comptent pas). C’est ce que j’ai ressenti durant la journée et c’est ce qui m’a permis de mieux gérer mon anxiété.
Alors ca te fait quel âge ?
31. 31 ans, alhamdoulillah. J’ai 31 ans et je n’ai accepté que récemment de vivre en paix avec mon anxiété et ma dépression de longue date. En essayant de lutter contre mes maux, je finissais inlassablement par être très frustrée, triste et désespérée. Puis j’ai fini par intégrer qu’elles font partie de moi, mais elles ne n’empêcheront pas de vivre et de profiter de la vie autant que possible. Donc j’avance, je tiens bon à chaque étape. Et quand je flanche, mes proches me soutiennent et me donnent de la force.
Ce à quoi je pensais pendant que j’essayais de me comprendre
Je disais à un ami la veille que je suis un peu anxieuse et que je me sens submergée par mes émotions. Lorsqu’il a fallu que je lui explique pourquoi, j’avais un peu honte parce que j’ai pensé qu’il ne conprendrait peut-être pas ou alors que ce que je vivais n’avait pas une grande importance. Puis je me suis dit “Fady, tu te trompes”.
Un trauma est un trauma. Très souvent, les gens voient la souffrance des autres comme pire que la leur et se disent qu’ils n’ont pas le droit de ressentir les émotions de douleur et souffrance qu’ils ressentent, invalidant ainsi leurs experiences. L’inverse aussi arrive régulièrement, des personnes estiment qu’elles souffrent plus donc invalident la douleur des autres en monopolisant toute l’attention et en minimisant ce que l’autre vit.
Poutant nous sommes très differents les uns des autres: chacun de nous est singulier et nous nous rejoignons dans la normalité plurielle de la société dans laquelle nous vivons, oubliant ainsi que nous sommes la somme d’individualités diverses et variées. On peut même avoir eu la même vie que les expériences ne sont pas les mêmes.
Au final, rien de ce qui arrive n’invalide ce qu’on ressent / a ressenti. Le traumatisme que je peux avoir vécu et auquel j’ai survécu, aurait pu causer la fin de quelqu’un d’autre. Chaque trauma est unique. Ce n’est pas une compétition et à la fin de la journée, on a surtout besoin de se soutenir et de s’entraider sur le chemin de la guérison.
Le bilan?
Les anniversaires et dates clés sont toujours l’occasion de faire le point et d’apprécier le chemin parcouru d’une année à l’autre. Parmi mes stratégies d’adaptation, il y a l’écriture. Je me donne des challenges parce que comme tout le monde, je galère souvent à remplir ma page blanche. L’exercice que je voulais faire pour mes 30 ans, je l’ai fait hier et je vais le partager avec vous:
L’expérience la plus difficile à vivre: rendre hommage à mon amie Raissa. Il y a quelques années, nous avons perdu des amis au mois de Juin et les obsèques de l’une d’elles ont eu lieu au lendemain de mes 23 ans. Le sien tombait d’ailleurs le 01 juillet et je crois me souvenir qu’elle fut enterrée le même jour. Ce n’était pas le premier deuil dans ma vie, mais celui ci m’a particulièrement affecté. La première fois que j’ai parlé de Dakar à quelqu’un, c’etait à elle, vers 2011. Et on avait ce truc sur BBM, “RDV à Dakar, bébé”. Raissa mérite à elle seule un papier entier. Rakya aussi d’ailleurs, qui fut la première amie et soeur que j’ai perdue. J’avais 15 ans et les jours, semaines, mois qui ont suivis, je continuais de marcher spontanément vers chez elle pour la voir avant de me souvenir avec grande douleur qu’elle n’était plus.
Si vous arrivez à cette ligne de mon long monologue, ayez une pensée pour tous ceux qui nous ont précédé dans la vie d’après. Je pense à mes grands pères que je n’ai pas eu la chance de connaitre, mes grands mères, mes tantes et oncles, Maman Abou, Rakya, Raissa, Swann…
L’expérience qui m’a donné des ailes: il y en a deux qui m’ont fait me dire que je peux beaucoup de choses. Tout d’abord travailler au sein d’une multinationale au Cameroun dans un domaine qui me passionne et apprendre auprès de personnes compétentes, intelligentes et bienveillantes (Coucou Manger Midi). Et puis m’installer à Dakar. J’avais aussi écrit dessus mais j’ai malheureusement perdu cette partie documentée de ma vie (lol). Prendre cette décision à ce moment là fut presque salvateur pour moi avec du recul et je ne regrette absolument pas ce choix, 3 ans plus tard.
Les moments où je me sens le plus en vie: C’est une question que je pose souvent aux autres, parce que je ne savais pas ce qui me fait vibrer, je n’arrivais pas à mettre la main dessus. Et je me suis souvenue qu’a chaque voyage, et chaque échange dans lequel je donne un peu de mois, mettent de la joie dans mon coeur. Lorsque je passe du temps avec des enfants, je suis sur un petit nuage. Lorsque je discute avec une personne, proche ou pas, et qu’on réussit à avoir un échange enrichissant je me sens “remplie”. Les couchers de soleil m’émerveillent et faire quelque chose pour la première fois aussi, comme la plongée sous marine. :D
C est en racontant son histoire qu’on apprend à se connaitre
La chose qui me permet de créer un lien avec autrui c’est sans aucun doute la vulnérabilité. Pour certains c’est assez facile et pour d’autres ça l’est moins. J’ai toujours vu cela comme une faiblesse mais mon Dieu, comme c’est puissant!
Au final, je me répète des phrases pour ne pas oublier. Je me parle et je me dis des choses comme “tu es normale dans ta normalité”, “il n’y a rien de bizarre chez toi”, “tu comptes et plus que tout, tu n’es pas seule”. La relation la plus importante c’est assurément celle que j’ai avec moi même et je ne peux pas me quitter quand rien ne va plus. De fait, j’entends continuer de m’aimer, de prendre soin de moi et de vivre à fond la caisse, un jour après l’autre, avec mes défauts et qualités et surtout avec intensité! Parce que, “Qui me peut?” :p
Je m’appelle Fady, je viens d’avoir 31 ans et je rends grâce pour mes bienfaits. Vous pouvez applaudir jusqu’à 50 fois alors n’hésitez pas ;)